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Vendredi 11 février (Jean-François Revel)

avril 13, 2008

Vendredi 11 février [2000, note du webmestre]. Depuis quelques semaines, les populations européennes se sont mises à exiger partout des baisses d’impôts. L’Allemagne vient d’en adopter une, assez subtentielle. La France en parle, mais ne le fait guère. En tant qu’écrivain qui, tous prélèvements additionnés, directs ou indirects, se voit confisquer, chaque année, environ les trois quarts de ses droits d’auteur, je me prends vaguement à rêver qu’on me soutirera peut-être 2 ou 3 % de moins. Mon revenu provient essentiellement de mon travail. Je n’ai jamais hérité, sinon des bribes qui n’ont pas modifié sensiblement ma situation financière. Gagner sa vie en écrivant n’est pas facile et, en tout cas, jamais assuré. L’emploi, certes, n’est pas garanti et il requiert non pas 35 mais plutôt 60 heures de travail par semaine. Voilà un État qui se prétend culturel, dans ce sens qu’il dilapide des milliards pour servir sa propre gloriole et couvrir ses amis politiques de prébendes à la destination douteuse et incontrôlée. Mais cet État, en même temps, dévalise les auteurs et les artistes qui ont le mauvais goût de pouvoir se passer de lui et vivre grâce à leur public.
Car l’État français, sans même avoir besoin pour cela d’être socialiste, n’aime que les citoyens et les entreprises qui dépendent de lui, auxquels il distribue l’argent public, en commençant par se le distribuer à lui-même. Il hait l’entreprise privée. Sa bête noire, son ennemi héréditaire, c’est le citoyen indépendant, qui gagne sa vie par ses propres moyens. Celui-là, il faut le punir de son arrogance, le soumettre à l’extermination fiscale, sans toutefois le faire entièrement disparaître, puisque ce serait tarir la source de l’argent que l’État redistribue à la partie de la nation qu’il entretient, fastueusement ou modestement selon les cas, et qui seule lui semble digne de considération.
C’est pourquoi je ne suis guère optimiste quant à l’éventualité d’une réforme fiscale qui soulagerait les revenus élevés du travail, définis par l’État français comme des « privilèges ». Les revenus élevés du capital, eux, ont déjà fui ailleurs ou vont le faire. Mais la plupart des contribuables aux revenus élevés issus du travail, des capacités personnelles et du talent sont bien obligés de rester en France. Ce sont eux, je le crains, qui continueront à payer pour tous les autres citoyens.
Seule une mutation dans l’opinion publique pourrait contraindre l’État français à une réduction des prélèvements obligatoires qui ne serait pas une entourloupette de plus. Cette mutation n’est pas impossible. Dans un article amusant du Figaro d’hier, Patrick Buisson, directeur du Centre d’information sur la politique et l’opinion, diagnostiquait une  » révolution souterraine dans l’électorat socialiste  » et la  » naissance d’une gauche… reaganienne « . Ce n’est pas de l’humour. Depuis peu surgissent dans les profondeurs socialistes une adhésion croissante aux valeurs sécuritaires et un rejet de la surpression fiscale. Mais n’oublions pas que l’assiette est tellement peu républicaine en France qu’à peine la moitié des ménages est assujettie à l’impôt sur le revenu et que 20 % d’entre eux en paient 80 %. Pourquoi la majorité des Français, qui en profite, voudrait-elle que l’on cessât de détrousser ces 20 %?

Chômage: le gouvernement français se rengorge parce que notre chômage a baissé de neuf dixièmes de point en un an. Il propose, une fois de plus,  » le modèle français  » à l’admiration de l’univers. Il oublie que la vraie question est de savoir pourquoi, malgré la croissance, notre chômage n’a pas baissé davantage. C’est grâce à ce miraculeusement ridicule  » modèle français  » que nous avons encore 10,06 % de chômage , tandis que les peuples dont nous professons qu’ils nous sont intellectuellement inférieurs en ont la moitié, voire moins. L’Autriche en a 4,2 %, la Grande-Bretagne 5,9 %, le Danemark 5,4 %, la Hollande 2,7 %, la Suède 5,3%, les États-Unis 4,1 %, la Suisse 2,65 % (d’après The Economist d’aujourd’hui) !

Jean-François Revel, in Les Plats de Saison

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