Ma soirée d’usager SNCF
J’ai pour habitude de rentrer chez mes parents toutes les deux semaines le plus souvent au moyen des wagons à bestiaux (les Français sont des veaux, paraît-il) que la SNCF emploie sur la ligne Toulouse-Bayonne. Ainsi, hier, à 18h10 (précision : ce train ne va que jusqu’à Tarbes, ma mère venant m’y chercher) j’arrive à la gare Saint-Agne où la borne affiche naturellement « hors-service ». Par chance, la guichetière travaille encore, elle donne même l’impression d’avoir fort à faire (étrange). Un train stationne à quai, sûrement le mien. Avant que j’atteigne la préposée, le cheval de fer met les voiles. Ach so ! Prenant mon courage à deux mains en même temps que mes sacs, je me dirige vers la gare Matabiau, un deuxième train est prévu pour 19h40. A pieds car je refuse de financer les transports en commun publiques (oui le militantisme libéral « au quotidien » et oui je suis quand même client SNCF : comme je n’ai pas le permis, je me vois mal faire le trajet en vélo ; activiste, idéaliste mais réaliste). Les connaisseurs de la ligne me stipuleront que c’est idiot puisqu’il passe à Saint-Agne. Le hic, c’est que je n’ai pas de billet, que le guichet va fermer, que j’ai du temps à perdre et que pour une fois j’aimerais avoir une place assise (ce qui ne m’est pas arrivé depuis des mois). Sans doute ai-je eu la prémonition que j’aurais de la matière à raconter. Quanrante-cinq minutes plus tard, je franchis le seuil de Matabiau. Les bornes hors-service m’obligent à suivre la queue des guichets. A ma grande surprise, il ne fallut que cinq minutes pour obtenir un billet. Hélas, l’enfer ne faisait que commencer. Si les travaux à l’intérieur du hall m’avaient détourné de l’agitation des « usagers » lorsque j’étais entré, un rapide coup d’œil au tableau d’affichage m’indique que presque tous les trains auront un « retard indéterminé » (dont le mien), les autres sont supprimés. Dans le capharnaüm ambient, je perçois une voix à côté de moi : « Il y’a une vraie marre de sang, des éclaboussures partout ».Malgré le battage médiatique à propos de l’Aïd El Kebir, je pense tout de suite à un suicide (vous êtes étonnés, n’est-ce pas ?). Il y’a quelques mois, j’avais déjà eu ce genre de contrariété dont le souvenir ne me laisse présager rien de bon. Au quai de départ, je trouve un vieux machin bourré à craquer de passagers excédés. Problème : il s’arrête à Tarbes. Ennuyeux, d’autant plus que ce serait incorrect de demander à mes parents de prendre le volant à cet heure-là. Confirmation par haut-parleur : « Accident d’une personne ». Un cheminot à qui je fais part de mon désarroi me lance un « Le train ? C’est celui de 18h11 qui n’est toujours pas parti, alors celui de 19h40, vous pensez.. »Il est 19h50 et je me prépare à une longue attente [destinée à rédiger ces quelques lignes]quand j’entend que le train de 19h40 circule. Aaah ! Seulement la voie qui lui est impartie est occupée par le train de 18h11. Peut-être s’agit-il de ce dernier Mystère ! Les hommes en rouge (« red rats ») chargés soit-disant du service en gare demeurent invisibles, terrés au fond d’un bureau. Les gens commencent à s’inquiéter, crient pour que quelqu’un daigne bien les renseigner. Un appel soulève le doute « Le train untel à destination de Tarbes départ immédiat. » (selon la norme SNCF soit « une fois qu’on aura fini le café »). Je ne suis pas satisfait pour autant : mon train à moi annoncé depuis près de vingt minutes n’a pas encore pointé le bout de son nez. Il faudra attendre 20h20 pour qu’il arrive.. à l’autre bout de la gare. Je m’installe tant bien que mal, téléphone à ma mère « Ouai, c’est bon je suis dans le train ». Grave erreur. Il ne faut jamais anticiper les caprices du destin. Le train ne partira qu’à… 21h00, soit 1h15 de retard. Youpi, l’organisation de la SNCF ça transcende sa race. En sus, il desservira toutes les bleds possibles et inimaginables ( normalement on a déjà droit à Toulouse-Matabiau, Toulouse Saint-Agne, Portet-Saint-Simon, Muret, Carbonne, Boussens, Saint-Gaudens, Montréjeau Gourdan-Poulignan, Lannemezan, Capvern, Tournay, Tarbes, Lourdes, Coarraze-Nay, Pau ce qui explique le temps de 2h30 pour relier deux villes distantes de moins de 200 kilomètres). A Lourdes, la SNCF en rajoute une couche dans le foutage de gueule : il faut laisser passer le TGV de Paris, ce qui nous fait attendre pas moins de vingt minutes. Finalement, nous arrivons enfin à Pau. Il est minuit 10, soit une heure trente-cinq de retard, nous n’avons pas reçu d’excuse, il n’ya pas le moindre employé pour poser une réclamation. De toute façon, je sais par expérience qu’ils ne rembourseront jamais un billet. La dernière fois ils avaient prétexté qu’ils ne pouvaient pas parcque c’était un suicide. Cette excuse ne tient pas : la SNCF ne rembourse pas, quelle que soit la cause et l’importance du retard.[Hors TGV me devrais-je de préciser et comme on me l’a rappelé sur des forums]
On me dira qu’il est curieux que je m’en prenne à la SNCF, que ce n’est pas elle qui s’est donnée la mort. Si je ne peux en effet lui reprocher l’accident en lui-même (le réseau appartenant à RFF), il me semble que la gestion catastrophique de la situation et le mépris du client caractérisent parfaitement une faute professionnelle grave.
Allez, pour la fin voici quelques morceaux de « La Charte de Service Publique de la SNCF » visant à promouvoir entre autres« l’efficacité et la transparence » : «La ponctualité constitue une exigence majeure en matière de transport des voyageurs et de fret que la SNCF entend satisfaire pour ses 15 000 trains quotidiens », « En cas d’incident ou de situation perturbée, donner aux clients l’information utile à la compréhension de l’événement et de ses conséquences ».
Faites-moi plaisir : ne vous suicidez pas sur les voies de chemin de fer. Choisissez la pendaison, le revolver, le poison, la noyade mais par pitié, pas ça !!