Archive for the ‘Mysticisme’ Category

Libéralisme et Religion (Ludwig von Mises)

novembre 10, 2007

Le libéralisme est fondé sur une théorie purement rationnelle et scientifique de coopération sociale. Les politiques qu’il préconise sont l’application d’un système de connaissances qui ne se réfère en rien aux sentiments, aux croyances intuitives pour lesquelles aucune preuve logiquement satisfaisante ne peut être apportée, aux expériences mystiques, et à la perception personnelle de phénomènes supra-humains. En ce sens, on peut lui appliquer les épithètes — souvent mal comprises et interprétées erronément — d’athéiste et d’agnostique. Mais ce serait une grave erreur de conclure que les sciences de l’agir humain, et la politique déduite de leurs enseignements — le libéralisme — soient anti-théistes et hostiles à la religion. Elles sont radicalement opposées à tous les systèmes de théocratie. Mais elles sont entièrement neutres vis-à-vis des croyances religieuses qui ne prétendent pas se mêler de la conduite des affaires sociales, politiques et économiques.

La théocratie est un système social qui revendique à l’appui de sa légitimité un titre suprahumain. La loi fondamentale d’un régime théocratique est une vision intérieure non susceptible d’examen par la raison et de démonstration par des méthodes logiques. Son critère ultime est l’intuition qui fournit à l’esprit une certitude subjective à propos de choses qui ne peuvent être conçues par raison et raisonnement systématique. Si cette intuition se réfère à l’un des systèmes traditionnels d’enseignement concernant l’existence d’un divin Créateur et Maître de l’univers, nous l’appelons croyance religieuse. Si elle se réfère à un autre système, nous l’appelons croyance métaphysique. Ainsi un système de gouvernement théocratique n’est pas nécessairement fondé sur l’une des grandes religions historiques du monde. Il peut être déduit de positions métaphysiques qui répudient toutes les églises traditionnelles et confessions, et qui se glorifient de souligner leur caractère anti-théiste et anti-métaphysique. De nos jours, les plus puissants des partis théocratiques sont hostiles au christianisme et à toutes les religions dérivées du monothéisme juif. Ce qui les caractérise comme théocratiques, c’est leur volonté passionnée d’organiser les affaires temporelles de l’humanité en fonction d’un complexe d’idées dont la validité ne peut être démontrée par le raisonnement. Ils prétendent que leurs chefs sont doués mystérieusement d’un savoir inaccessible au reste des hommes et contraire aux idées adoptées par ceux auxquels le charisme est refusé. Les chefs charismatiques ont été investis par une puissance mystique supérieure, de la charge de conduire les affaires d’une humanité égarée. Eux seuls sont illuminés ; tous les autres sont ou bien aveugles et sourds, ou bien des malfaiteurs.

C’est un fait que nombre de variantes des grandes religions historiques ont été contaminées par des tendances théocratiques. Leurs missionnaires étaient animés d’une passion pour le pouvoir afin de subjuguer et détruire tous les groupes dissidents. Néanmoins, nous ne devons pas confondre les deux choses, religion et théocratie.

William James appelle religieux « les sentiments, actes et expériences d’individus dans leur solitude, dans la mesure où ils se sentent eux-mêmes être en relation avec le divin, de quelque façon qu’ils le considèrent » 5. Il énumère les croyances ci-après comme les caractéristiques de la vie religieuse : Que le monde visible est une partie d’un univers plus spirituel, d’où il tire sa signification principale ; que l’union ou la relation harmonieuse avec cet univers supérieur est notre vraie finalité ; que la prière, ou communion intérieure, avec l’esprit de cet univers plus élevé — que cet esprit soit « Dieu » ou « la loi » — est un processus au cours duquel un travail est réellement effectué, une énergie spirituelle est infusée dans le monde phénoménal et y produit des effets psychologiques ou matériels. La religion poursuit James, comporte aussi les caractéristiques psychologiques que voici : nouveau parfum stimulant qui s’ajoute à la vie comme un don, et qui prend la forme tantôt d’un enchantement lyrique, tantôt d’un appel au sérieux et à l’héroïsme, avec en outre une assurance de sécurité et un esprit de paix, et envers autrui, une prépondérance d’affection aimante 6.

Cette description des caractères de l’expérience religieuse et des sentiments religieux de l’humanité ne fait aucune référence à la structuration de la coopération sociale. La religion, aux yeux de James, est une relation purement personnelle et individuelle entre l’homme et une divine Réalité, sainte, mystérieuse et d’une majesté angoissante. Elle enjoint à l’homme un certain mode de conduite individuelle. Mais elle n’affirme rien touchant les problèmes d’organisation de la société. Saint François d’Assise, le plus grand génie religieux de l’Occident, ne s’occupait ni de politique ni d’économie. Il souhaitait apprendre à ses disciples comment vivre pieusement ; il ne dressa pas de plan pour l’organisation de la production et n’incita pas ses adeptes à recourir à la violence contre les contradicteurs. Il n’est pas responsable de l’interprétation de ses enseignements par l’ordre dont il fut le fondateur.

Le libéralisme ne place pas d’obstacles sur la route de l’homme désireux de modeler sa conduite personnelle et ses affaires privées sur la façon dont il comprend, par lui-même ou dans son église ou sa confession, l’enseignement de l’Evangile. Mais il est radicalement opposé à toute prétention d’imposer silence aux discussions rationnelles des problèmes de bien-être social par appel à une intuition ou révélation religieuse. Il ne veut imposer à personne le divorce ou la pratique du contrôle des naissances ; mais il s’élève contre ceux qui veulent empêcher les autres de discuter librement du pour et du contre en ces matières.

Dans l’optique libérale, le but de la loi morale est de pousser les individus à conformer leur conduite aux exigences de la vie en société, à s’abstenir de tous les actes contraires à la préservation de la coopération sociale pacifique, ainsi qu’au progrès des relations interhumaines. Les libéraux apprécient cordialement l’appui que les enseignements religieux peuvent apporter à ceux des préceptes moraux qu’ils approuvent eux-mêmes, mais ils s’opposent à celles des règles qui ne peuvent qu’entraîner la désintégration sociale, quelle que soit la source dont ces règles découlent.

C’est défigurer les faits que de dire, comme beaucoup de partisans de la théocratie religieuse, que le libéralisme combat la religion. Là où est admis le principe de l’intervention des églises dans les problèmes temporels, les diverses églises, confessions et sectes se combattent entre elles. En séparant Eglise et État, le libéralisme établit la paix entre les diverses factions religieuses et assure à chacune d’elles la possibilité de prêcher son évangile sans être molestée.

Le libéralisme est rationaliste. Il affirme qu’il est possible de convaincre l’immense majorité que la coopération pacifique dans le cadre de la société sert les intérêts bien compris des individus, mieux que la bagarre permanente et la désintégration sociale. Il a pleine confiance en la raison humaine. Peut-être que cet optimisme n’est pas fondé, et que les libéraux se sont trompés. Mais, en ce cas, il n’y a pas d’espoir ouvert dans l’avenir pour l’humanité.

Ludwig von Mises in L’Action humaine

5 W. James, The Varieties of Religious Experience, 35e impression, New York, 1925, p. 31.
6 Op. cit., pp. 485-486.

De la nouvelle Idole

janvier 27, 2007

Il y a quelque part encore des peuples et des troupeaux, mais ce n’est pas chez
nous, mes frères : chez nous il y a des États.

État? Qu’est-ce, cela? Allons! Ouvrez les oreilles, je vais vous parler de la mort des
peuples.

L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids: il ment froidement et voici le
mensonge qui rampe de sa bouche: « Moi, l’État, je suis le Peuple. »

C’est un mensonge! Ils étaient des créateurs, ceux qui créèrent les peuples et qui
suspendirent au-dessus des peuples une foi et un amour: ainsi ils servaient la vie.

Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui
appellent cela un État: ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits.

Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’État et il le déteste comme
le mauvais oeil et une dérogation aux coutumes et aux lois.

Je vous donne ce signe: chaque peuple a son langage du bien et du mal: son voisin
ne le comprend pas. Il s’est inventé ce langage pour ses coutumes et ses lois.

Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal; et, dans tout ce qu’il
dit, il ment – et tout ce qu’il a, il l’a volé.

Tout en lui est faux; il mord avec des dents volées, le hargneux. Même ses
entrailles sont falsifiées.

Une confusion des langues du bien et du mal – je vous donne ce signe, comme le
signe de l’État. En vérité, c’est la volonté de la mort qu’indique ce signe, il appelle
les prédicateurs de la mort!

Beaucoup trop d’hommes viennent au monde: l’État a été inventé pour ceux qui
sont superflus!
Voyez donc comme il les attire, les superflus! Comme il les enlace, comme il les
mâche et les remâche.

« Il n’y a rien de plus grand que moi sur la terre: je suis le doigt ordonnateur de
Dieu » – ainsi hurle le monstre. Et ce ne sont pas seulement ceux qui ont de longues
oreilles et la vue basse qui tombent à genoux!

Hélas, en vous aussi, ô grandes âmes, il murmure ses sombres mensonges. Hélas,
il devine les coeurs riches qui aiment à se répandre!

Certes, il vous devine, vous aussi, vainqueurs du Dieu ancien! Le combat vous a
fatigués et maintenant votre fatigue se met au service de la nouvelle idole!
Elle voudrait placer autour d’elle des héros et des hommes honorables, la nouvelle
idole! Il aime à se chauffer au soleil de la bonne conscience, – le froid monstre!
Elle veut tout vous donner, si vous l’adorez, la nouvelle idole: ainsi elle s’achète l’éclat de votre vertu et le fier regard de vos yeux.

Vous devez lui servir d’appât pour les superflus! Oui, c’est l’invention d’un tour
infernal, d’un coursier de la mort, cliquetant dans la parure des honneurs divins!
Oui, c’est l’invention d’une mort pour le grand nombre, une mort qui se vante
d’être la vie, une servitude selon le coeur de tous les prédicateurs de la mort!
L’État est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais: l’État, où
tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais: l’État, où le lent suicide de
tous s’appelle – « la vie ».

Voyez donc ces superflus ! Ils volent les oeuvres des inventeurs et les trésors des
sages: ils appellent leur vol civilisation – et tout leur devient maladie et revers!
Voyez donc ces superflus! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et
appellent cela des journaux. Ils se dévorent et ne peuvent pas même se digérer.
Voyez donc ces superflus! Ils acquièrent des richesses et en deviennent plus
pauvres. Ils veulent la puissance et avant tout le levier de la puissance, beaucoup
d’argent, – ces impuissants!

Voyez-les grimper, ces singes agiles! Ils grimpent les uns sur les autres et se
poussent ainsi dans la boue et dans l’abîme.

Ils veulent tous s’approcher du trône: c’est leur folie, – comme si le bonheur était
sur le trône! Souvent la boue est sur le trône – et souvent aussi le trône est dans la
boue.

Ils m’apparaissent tous comme des fous, des singes grimpeurs et impétueux. Leur
idole sent mauvais, ce froid monstre: ils sentent tous mauvais, ces idolâtres.
Mes frères, voulez-vous donc étouffer dans l’exhalaison de leurs gueules et de leurs
appétits! Cassez plutôt les vitres et sautez dehors!

Évitez donc la mauvaise odeur! Éloignez-vous d’idolâtrie des superflus.
Évitez donc la mauvaise odeur! Éloignez-vous de la fumée de ces sacrifices
humains!

Maintenant encore les grandes âmes trouveront devant elles l’existence libre. Il
reste bien des endroits pour ceux qui sont solitaires ou à deux, des endroits où
souffle l’odeur des mers silencieuses.

Une vie libre reste ouverte aux grandes âmes. En vérité, celui qui possède peu est
d’autant moins possédé: bénie soit la petite pauvreté.

Là où finit l’État, là seulement commence l’homme qui n’est pas superflu: là
commence le chant de la nécessité, la mélodie unique, la nulle autre pareille.
Là où finit l’État, – regardez donc, mes frères! Ne voyez-vous pas l’arc-en-ciel et le
pont du Surhumain?

Ainsi parlait Zarathoustra.

Friedrich Nietzsche, in Ainsi parlait Zarathoustra

De la nouvelle Idole (Friedrich Nietzsche)

janvier 27, 2007

Il y a quelque part encore des peuples et des troupeaux, mais ce n’est pas chez
nous, mes frères : chez nous il y a des États.

État? Qu’est-ce, cela? Allons! Ouvrez les oreilles, je vais vous parler de la mort des
peuples.

L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids: il ment froidement et voici le
mensonge qui rampe de sa bouche: « Moi, l’État, je suis le Peuple. »

C’est un mensonge! Ils étaient des créateurs, ceux qui créèrent les peuples et qui
suspendirent au-dessus des peuples une foi et un amour: ainsi ils servaient la vie.

Ce sont des destructeurs, ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui
appellent cela un État: ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits.

Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’État et il le déteste comme
le mauvais oeil et une dérogation aux coutumes et aux lois.

Je vous donne ce signe: chaque peuple a son langage du bien et du mal: son voisin
ne le comprend pas. Il s’est inventé ce langage pour ses coutumes et ses lois.

Mais l’État ment dans toutes ses langues du bien et du mal; et, dans tout ce qu’il
dit, il ment – et tout ce qu’il a, il l’a volé.

Tout en lui est faux; il mord avec des dents volées, le hargneux. Même ses
entrailles sont falsifiées.

Une confusion des langues du bien et du mal – je vous donne ce signe, comme le
signe de l’État. En vérité, c’est la volonté de la mort qu’indique ce signe, il appelle
les prédicateurs de la mort!

Beaucoup trop d’hommes viennent au monde: l’État a été inventé pour ceux qui
sont superflus!
Voyez donc comme il les attire, les superflus! Comme il les enlace, comme il les
mâche et les remâche.

« Il n’y a rien de plus grand que moi sur la terre: je suis le doigt ordonnateur de
Dieu » – ainsi hurle le monstre. Et ce ne sont pas seulement ceux qui ont de longues
oreilles et la vue basse qui tombent à genoux!

Hélas, en vous aussi, ô grandes âmes, il murmure ses sombres mensonges. Hélas,
il devine les coeurs riches qui aiment à se répandre!

Certes, il vous devine, vous aussi, vainqueurs du Dieu ancien! Le combat vous a
fatigués et maintenant votre fatigue se met au service de la nouvelle idole!
Elle voudrait placer autour d’elle des héros et des hommes honorables, la nouvelle
idole! Il aime à se chauffer au soleil de la bonne conscience, – le froid monstre!
Elle veut tout vous donner, si vous l’adorez, la nouvelle idole: ainsi elle s’achète l’éclat de votre vertu et le fier regard de vos yeux.

Vous devez lui servir d’appât pour les superflus! Oui, c’est l’invention d’un tour
infernal, d’un coursier de la mort, cliquetant dans la parure des honneurs divins!
Oui, c’est l’invention d’une mort pour le grand nombre, une mort qui se vante
d’être la vie, une servitude selon le coeur de tous les prédicateurs de la mort!
L’État est partout où tous absorbent des poisons, les bons et les mauvais: l’État, où
tous se perdent eux-mêmes, les bons et les mauvais: l’État, où le lent suicide de
tous s’appelle – « la vie ».

Voyez donc ces superflus ! Ils volent les oeuvres des inventeurs et les trésors des
sages: ils appellent leur vol civilisation – et tout leur devient maladie et revers!
Voyez donc ces superflus! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et
appellent cela des journaux. Ils se dévorent et ne peuvent pas même se digérer.
Voyez donc ces superflus! Ils acquièrent des richesses et en deviennent plus
pauvres. Ils veulent la puissance et avant tout le levier de la puissance, beaucoup
d’argent, – ces impuissants!

Voyez-les grimper, ces singes agiles! Ils grimpent les uns sur les autres et se
poussent ainsi dans la boue et dans l’abîme.

Ils veulent tous s’approcher du trône: c’est leur folie, – comme si le bonheur était
sur le trône! Souvent la boue est sur le trône – et souvent aussi le trône est dans la
boue.

Ils m’apparaissent tous comme des fous, des singes grimpeurs et impétueux. Leur
idole sent mauvais, ce froid monstre: ils sentent tous mauvais, ces idolâtres.
Mes frères, voulez-vous donc étouffer dans l’exhalaison de leurs gueules et de leurs
appétits! Cassez plutôt les vitres et sautez dehors!

Évitez donc la mauvaise odeur! Éloignez-vous d’idolâtrie des superflus.
Évitez donc la mauvaise odeur! Éloignez-vous de la fumée de ces sacrifices
humains!

Maintenant encore les grandes âmes trouveront devant elles l’existence libre. Il
reste bien des endroits pour ceux qui sont solitaires ou à deux, des endroits où
souffle l’odeur des mers silencieuses.

Une vie libre reste ouverte aux grandes âmes. En vérité, celui qui possède peu est
d’autant moins possédé: bénie soit la petite pauvreté.

Là où finit l’État, là seulement commence l’homme qui n’est pas superflu: là
commence le chant de la nécessité, la mélodie unique, la nulle autre pareille.
Là où finit l’État, – regardez donc, mes frères! Ne voyez-vous pas l’arc-en-ciel et le
pont du Surhumain?

Ainsi parlait Zarathoustra.

Friedrich Nietzsche, in Ainsi parlait Zarathoustra

Le caractère mystique des doctrines socialistes et l’intuition.

janvier 25, 2007

On demeure stupéfait, quand on constate que des conceptions aussi vagues, aussi dénuées de toute base expérimentale, ont pu trouver de très nombreux adeptes dans un siècle qui se targue d’être le siècle de la science positive et des mesures précises, quand on voit surtout que le refus de donner au moins une idée approchée de ce que pourrait être le futur paradis terrestre n’a diminué la foi d’aucun croyant dans la réalisation de ces espérances. Et, chose plus étonnante encore, les adeptes de cette foi se sont recrutés, jusqu’à ces dernières années, parmi les hommes qui se réclamaient le plus des idées modernes, qui se vantaient d’être les plus dégagés des illusions du passé, les plus attachés aux faits et aux réalités scientifiques. C’est tout récemment seulement que quelques-uns de ces nouveaux mystiques ont commencé à expliquer leurs convictions par une intuition et une sorte de grâce, supérieure au raisonnement.

Car c’est bien en présence d’une renaissance du mysticisme que nous nous trouvons. Certains adversaires politiques du socialisme trouvent, il est vrai, une autre explication de sa diffusion, et ils l’attribuent à la haine et à l’envie chez les masses, à la fureur de parvenir, fût-ce en flattant les plus mauvaises passions, chez les chefs. Mais, si de pareils sentiments tiennent sans contredit une grande place dans le développement du socialisme, comme dans toutes les choses humaines, ils n’en sauraient Ítre, à eux seuls, l’explication. L’attrait qu’exercent, même sur des esprits éclairés et positifs, les rêves de bonheur et de fraternité, si utopiques soient-ils, est indéniable: la pléiade de jeunes ingé­nieurs, de futurs directeurs et fondateurs des plus grandes affaires industrielles qui soutenait les idées saint-simoniennes, il y a près d’un siËcle, ne se compo­sait, certes, ni de purs imaginatifs, ni de politiciens faméliques. Il est vrai que, chez eux, ces illusions juvéniles durèrent peu; leur persistance de nos jours, chez des esprits cultivés et pondérés, est plus difficile à expliquer.

Elles se conçoivent mieux, sincères et durables, dans le peuple. Un rêve de bonheur opposé aux misères de l’existence y séduit souvent les cœurs les meilleurs et les esprits les plus élevés, qui n’ont pas la culture nécessaire pour apercevoir les lacunes et les contradictions des utopies qu’on leur expose, ou pour trouver dans la vie intellectuelle une compensation à la monotonie et à la médiocrité de leur vie matérielle. Le défaut de notions nettes sur la société future n’ébranle pas plus leur foi que l’imprécision des doctrines sur le Royaume de Dieu n’ébranlait celle des premiers chrétiens. Ce sont ces idées flottantes, où chaque imagination peut loger ses rêves les plus chers, qui renouvellent à certains moments les conceptions purement traditionnelles sur lesquelles repose toute la mentalité populaire. Les œuvres savantes et obscures du socialisme scientifique peuvent bien alimenter les manifestes des chefs intellectuels qui s’associent au mouvement des masses; elles ne contribuent pas plus à la grandeur de ce mouvement que les subtilités de l’apologétique chrétienne n’ont contribué à l’essor du christianisme, car ni les unes ni les autres ne sont intelligibles à la foule ou ne supportent l’examen d’un esprit non prévenu.

Les analogies entre le socialisme et le christianisme primitif sont si nom­breuses qu’il est vraiment étonnant qu’après avoir été maintes fois signalées, elles ne soient pas devenues un lieu commun. L’un et l’autre ont su s’appuyer à la fois sur le moteur le plus universel des actions humaines, l’intérêt personnel, par des promesses de bonheur, – sur les meilleurs sentiments, par l’appel à la fraternité et à l’aide mutuelle, – et aussi sur les plus bas, par les diatribes contre les riches et les puissants. Il est vrai que, à ce dernier point de vue, le chris­tianisme se bornait à inviter les riches à distribuer leurs biens aux pauvres, s’ils voulaient être sauvés, tandis que le socialisme incite les pauvres à s’empa­rer des biens des riches sous une forme ou sous une autre, ce qui constitue une différence sérieuse. Le socialisme s’est mis, d’autre part, à la mode du jour, en cherchant une base scientifique dans l’idée d’évolution. Mais il n’a pas attendu qu’une évolution pacifique l’ait rendu maître des pouvoirs publics pour prati­quer, envers l’ouvrier dissident, le compelle intrare auquel l’Eglise est arrivée bien plus tard; la faiblesse des hommes chargés d’assurer la sécurité publique lui a suffi pour y réussir dès à présent. Sans doute, il n’affiche pas, comme l’Evangile, le dédain de la culture intellectuelle, du travail lucratif et de la prévoyance; mais il adapte ces idées à la situation actuelle en demandant l’ouverture de tous les emplois aux élèves de l’enseignement primaire, la réduction obligatoire du nombre et de la durée des jours de travail, enfin l’interdiction de toute épargne assurant un revenu à son auteur.

Comme le christianisme, encore, le socialisme admet une rénovation com­plète de l’homme par la foi nouvelle. Seulement, au lieu d’imposer immédiate­ment à ses disciples la pratique des vertus sans lesquelles il est bien obligé de reconnaître que la cité socialiste ne durerait pas un jour, il se contente d’annoncer que ces vertus se généraliseront sans effort et sans peine, une fois cette cité fondée; cet ajournement facilite évidemment la propagande, en supprimant tout ce qui a fait la beauté et la grandeur de la religion chrétienne. Enfin, des deux cités, on séduit ceux que lasserait la lenteur des progrès quotidiens par l’annonce d’une solution catastrophique: si les esprits sincères et lucides, tels que Georges Sorel, reconnaissent que la Grêve générale est un mythe, tout comme le Jugement dernier, ce mythe n’en agit pas moins puis­samment sur les imaginations populaires, et le triomphe du prolétariat dans sa colère ne donne pas lieu à des chants moins terrifiants que le Dies irae.

Il ne manque d’ailleurs pas, aujourd’hui, de gens qui avouent qu’un certain mysticisme ne messied pas aux réformateurs sociaux, et qui espèrent eux-mêmes trouver un moyen commode d’échapper aux discussions en invoquant des lumières spéciales venues, non plus d’en haut, mais on ne sait d’où. Citant, tantôt les travaux récents des psychologues sur la pensée subconsciente, tantôt les ouvrages dans lesquels les savants ont rectifié les idées excessives que quelques-uns d’entre eux, et surtout beaucoup, de littérateurs, se faisaient du sens et de la portée des lois expérimentales et des démonstrations mathémati­ques (c’est ce que les gens du monde appellent la faillite de la science), ils célèbrent la supériorité des pensées obscures sur les idées claires et de l’intuition sur le raisonnement. Quand ils ne savent que répondre à un argu­ment, ils rappellent qu’il y a autre chose que la raison; ils invoquent l’autorité des savants illustres, d’Henri Poincaré exposant comment les grandes décou­vertes sont dues, même en mathématiques pures, bien plus à l’imagination et à l’intuition qu’à l’application méthodique de tous les procédés de calcul connus. Ils oublient seulement un petit détail, que Poincaré se borne à rappeler sommairement, tant il est pour lui chose évidente: c’est que les propositions aperçues par une inspiration de l’homme de génie doivent être vérifiées, que le sentiment de certitude absolue qui accompagne cette inspiration peut le tromper et qu’il s’en aperçoit seulement quand il veut mettre la démonstration sur pied. Si l’exactitude des propositions aperçues par intuition n’est pas démontrée par le raisonnement, elles restent non avenues, comme, en physi­que, l’intuition qui aperçoit les principes d’une théorie nouvelle n’a de valeur que si l’expérience prouve la concordance de cette théorie avec les faits. Or, les socialistes mystiques ne nous apportent, à l’appui de leurs vues intuitives, ni démonstrations rigoureuses, ni expériences précises, ni quoi que ce soit qui en approche.

Clément Colson in Organisme économique et désordre social
(1918)

Le caractère mystique des doctrines socialistes et l’intuition. (Clément Colson)

janvier 25, 2007

On demeure stupéfait, quand on constate que des conceptions aussi vagues, aussi dénuées de toute base expérimentale, ont pu trouver de très nombreux adeptes dans un siècle qui se targue d’être le siècle de la science positive et des mesures précises, quand on voit surtout que le refus de donner au moins une idée approchée de ce que pourrait être le futur paradis terrestre n’a diminué la foi d’aucun croyant dans la réalisation de ces espérances. Et, chose plus étonnante encore, les adeptes de cette foi se sont recrutés, jusqu’à ces dernières années, parmi les hommes qui se réclamaient le plus des idées modernes, qui se vantaient d’être les plus dégagés des illusions du passé, les plus attachés aux faits et aux réalités scientifiques. C’est tout récemment seulement que quelques-uns de ces nouveaux mystiques ont commencé à expliquer leurs convictions par une intuition et une sorte de grâce, supérieure au raisonnement.

Car c’est bien en présence d’une renaissance du mysticisme que nous nous trouvons. Certains adversaires politiques du socialisme trouvent, il est vrai, une autre explication de sa diffusion, et ils l’attribuent à la haine et à l’envie chez les masses, à la fureur de parvenir, fût-ce en flattant les plus mauvaises passions, chez les chefs. Mais, si de pareils sentiments tiennent sans contredit une grande place dans le développement du socialisme, comme dans toutes les choses humaines, ils n’en sauraient Ítre, à eux seuls, l’explication. L’attrait qu’exercent, même sur des esprits éclairés et positifs, les rêves de bonheur et de fraternité, si utopiques soient-ils, est indéniable: la pléiade de jeunes ingé­nieurs, de futurs directeurs et fondateurs des plus grandes affaires industrielles qui soutenait les idées saint-simoniennes, il y a près d’un siËcle, ne se compo­sait, certes, ni de purs imaginatifs, ni de politiciens faméliques. Il est vrai que, chez eux, ces illusions juvéniles durèrent peu; leur persistance de nos jours, chez des esprits cultivés et pondérés, est plus difficile à expliquer.

Elles se conçoivent mieux, sincères et durables, dans le peuple. Un rêve de bonheur opposé aux misères de l’existence y séduit souvent les cœurs les meilleurs et les esprits les plus élevés, qui n’ont pas la culture nécessaire pour apercevoir les lacunes et les contradictions des utopies qu’on leur expose, ou pour trouver dans la vie intellectuelle une compensation à la monotonie et à la médiocrité de leur vie matérielle. Le défaut de notions nettes sur la société future n’ébranle pas plus leur foi que l’imprécision des doctrines sur le Royaume de Dieu n’ébranlait celle des premiers chrétiens. Ce sont ces idées flottantes, où chaque imagination peut loger ses rêves les plus chers, qui renouvellent à certains moments les conceptions purement traditionnelles sur lesquelles repose toute la mentalité populaire. Les œuvres savantes et obscures du socialisme scientifique peuvent bien alimenter les manifestes des chefs intellectuels qui s’associent au mouvement des masses; elles ne contribuent pas plus à la grandeur de ce mouvement que les subtilités de l’apologétique chrétienne n’ont contribué à l’essor du christianisme, car ni les unes ni les autres ne sont intelligibles à la foule ou ne supportent l’examen d’un esprit non prévenu.

Les analogies entre le socialisme et le christianisme primitif sont si nom­breuses qu’il est vraiment étonnant qu’après avoir été maintes fois signalées, elles ne soient pas devenues un lieu commun. L’un et l’autre ont su s’appuyer à la fois sur le moteur le plus universel des actions humaines, l’intérêt personnel, par des promesses de bonheur, – sur les meilleurs sentiments, par l’appel à la fraternité et à l’aide mutuelle, – et aussi sur les plus bas, par les diatribes contre les riches et les puissants. Il est vrai que, à ce dernier point de vue, le chris­tianisme se bornait à inviter les riches à distribuer leurs biens aux pauvres, s’ils voulaient être sauvés, tandis que le socialisme incite les pauvres à s’empa­rer des biens des riches sous une forme ou sous une autre, ce qui constitue une différence sérieuse. Le socialisme s’est mis, d’autre part, à la mode du jour, en cherchant une base scientifique dans l’idée d’évolution. Mais il n’a pas attendu qu’une évolution pacifique l’ait rendu maître des pouvoirs publics pour prati­quer, envers l’ouvrier dissident, le compelle intrare auquel l’Eglise est arrivée bien plus tard; la faiblesse des hommes chargés d’assurer la sécurité publique lui a suffi pour y réussir dès à présent. Sans doute, il n’affiche pas, comme l’Evangile, le dédain de la culture intellectuelle, du travail lucratif et de la prévoyance; mais il adapte ces idées à la situation actuelle en demandant l’ouverture de tous les emplois aux élèves de l’enseignement primaire, la réduction obligatoire du nombre et de la durée des jours de travail, enfin l’interdiction de toute épargne assurant un revenu à son auteur.

Comme le christianisme, encore, le socialisme admet une rénovation com­plète de l’homme par la foi nouvelle. Seulement, au lieu d’imposer immédiate­ment à ses disciples la pratique des vertus sans lesquelles il est bien obligé de reconnaître que la cité socialiste ne durerait pas un jour, il se contente d’annoncer que ces vertus se généraliseront sans effort et sans peine, une fois cette cité fondée; cet ajournement facilite évidemment la propagande, en supprimant tout ce qui a fait la beauté et la grandeur de la religion chrétienne. Enfin, des deux cités, on séduit ceux que lasserait la lenteur des progrès quotidiens par l’annonce d’une solution catastrophique: si les esprits sincères et lucides, tels que Georges Sorel, reconnaissent que la Grêve générale est un mythe, tout comme le Jugement dernier, ce mythe n’en agit pas moins puis­samment sur les imaginations populaires, et le triomphe du prolétariat dans sa colère ne donne pas lieu à des chants moins terrifiants que le Dies irae.

Il ne manque d’ailleurs pas, aujourd’hui, de gens qui avouent qu’un certain mysticisme ne messied pas aux réformateurs sociaux, et qui espèrent eux-mêmes trouver un moyen commode d’échapper aux discussions en invoquant des lumières spéciales venues, non plus d’en haut, mais on ne sait d’où. Citant, tantôt les travaux récents des psychologues sur la pensée subconsciente, tantôt les ouvrages dans lesquels les savants ont rectifié les idées excessives que quelques-uns d’entre eux, et surtout beaucoup, de littérateurs, se faisaient du sens et de la portée des lois expérimentales et des démonstrations mathémati­ques (c’est ce que les gens du monde appellent la faillite de la science), ils célèbrent la supériorité des pensées obscures sur les idées claires et de l’intuition sur le raisonnement. Quand ils ne savent que répondre à un argu­ment, ils rappellent qu’il y a autre chose que la raison; ils invoquent l’autorité des savants illustres, d’Henri Poincaré exposant comment les grandes décou­vertes sont dues, même en mathématiques pures, bien plus à l’imagination et à l’intuition qu’à l’application méthodique de tous les procédés de calcul connus. Ils oublient seulement un petit détail, que Poincaré se borne à rappeler sommairement, tant il est pour lui chose évidente: c’est que les propositions aperçues par une inspiration de l’homme de génie doivent être vérifiées, que le sentiment de certitude absolue qui accompagne cette inspiration peut le tromper et qu’il s’en aperçoit seulement quand il veut mettre la démonstration sur pied. Si l’exactitude des propositions aperçues par intuition n’est pas démontrée par le raisonnement, elles restent non avenues, comme, en physi­que, l’intuition qui aperçoit les principes d’une théorie nouvelle n’a de valeur que si l’expérience prouve la concordance de cette théorie avec les faits. Or, les socialistes mystiques ne nous apportent, à l’appui de leurs vues intuitives, ni démonstrations rigoureuses, ni expériences précises, ni quoi que ce soit qui en approche.

Clément Colson in Organisme économique et désordre social
(1918)

Le caractère mystique des doctrines socialistes et l’intuition. (Clément Colson)

janvier 9, 2007

On demeure stupéfait, quand on constate que des conceptions aussi vagues, aussi dénuées de toute base expérimentale, ont pu trouver de très nombreux adeptes dans un siècle qui se targue d’être le siècle de la science positive et des mesures précises, quand on voit surtout que le refus de donner au moins une idée approchée de ce que pourrait être le futur paradis terrestre n’a diminué la foi d’aucun croyant dans la réalisation de ces espérances. Et, chose plus étonnante encore, les adeptes de cette foi se sont recrutés, jusqu’à ces dernières années, parmi les hommes qui se réclamaient le plus des idées modernes, qui se vantaient d’être les plus dégagés des illusions du passé, les plus attachés aux faits et aux réalités scientifiques. C’est tout récemment seulement que quelques-uns de ces nouveaux mystiques ont commencé à expliquer leurs convictions par une intuition et une sorte de grâce, supérieure au raisonnement.

Car c’est bien en présence d’une renaissance du mysticisme que nous nous trouvons. Certains adversaires politiques du socialisme trouvent, il est vrai, une autre explication de sa diffusion, et ils l’attribuent à la haine et à l’envie chez les masses, à la fureur de parvenir, fût-ce en flattant les plus mauvaises passions, chez les chefs. Mais, si de pareils sentiments tiennent sans contredit une grande place dans le développement du socialisme, comme dans toutes les choses humaines, ils n’en sauraient Ítre, à eux seuls, l’explication. L’attrait qu’exercent, même sur des esprits éclairés et positifs, les rêves de bonheur et de fraternité, si utopiques soient-ils, est indéniable: la pléiade de jeunes ingé­nieurs, de futurs directeurs et fondateurs des plus grandes affaires industrielles qui soutenait les idées saint-simoniennes, il y a près d’un siËcle, ne se compo­sait, certes, ni de purs imaginatifs, ni de politiciens faméliques. Il est vrai que, chez eux, ces illusions juvéniles durèrent peu; leur persistance de nos jours, chez des esprits cultivés et pondérés, est plus difficile à expliquer.

Elles se conçoivent mieux, sincères et durables, dans le peuple. Un rêve de bonheur opposé aux misères de l’existence y séduit souvent les cœurs les meilleurs et les esprits les plus élevés, qui n’ont pas la culture nécessaire pour apercevoir les lacunes et les contradictions des utopies qu’on leur expose, ou pour trouver dans la vie intellectuelle une compensation à la monotonie et à la médiocrité de leur vie matérielle. Le défaut de notions nettes sur la société future n’ébranle pas plus leur foi que l’imprécision des doctrines sur le Royaume de Dieu n’ébranlait celle des premiers chrétiens. Ce sont ces idées flottantes, où chaque imagination peut loger ses rêves les plus chers, qui renouvellent à certains moments les conceptions purement traditionnelles sur lesquelles repose toute la mentalité populaire. Les œuvres savantes et obscures du socialisme scientifique peuvent bien alimenter les manifestes des chefs intellectuels qui s’associent au mouvement des masses; elles ne contribuent pas plus à la grandeur de ce mouvement que les subtilités de l’apologétique chrétienne n’ont contribué à l’essor du christianisme, car ni les unes ni les autres ne sont intelligibles à la foule ou ne supportent l’examen d’un esprit non prévenu.

Les analogies entre le socialisme et le christianisme primitif sont si nom­breuses qu’il est vraiment étonnant qu’après avoir été maintes fois signalées, elles ne soient pas devenues un lieu commun. L’un et l’autre ont su s’appuyer à la fois sur le moteur le plus universel des actions humaines, l’intérêt personnel, par des promesses de bonheur, – sur les meilleurs sentiments, par l’appel à la fraternité et à l’aide mutuelle, – et aussi sur les plus bas, par les diatribes contre les riches et les puissants. Il est vrai que, à ce dernier point de vue, le chris­tianisme se bornait à inviter les riches à distribuer leurs biens aux pauvres, s’ils voulaient être sauvés, tandis que le socialisme incite les pauvres à s’empa­rer des biens des riches sous une forme ou sous une autre, ce qui constitue une différence sérieuse. Le socialisme s’est mis, d’autre part, à la mode du jour, en cherchant une base scientifique dans l’idée d’évolution. Mais il n’a pas attendu qu’une évolution pacifique l’ait rendu maître des pouvoirs publics pour prati­quer, envers l’ouvrier dissident, le compelle intrare auquel l’Eglise est arrivée bien plus tard; la faiblesse des hommes chargés d’assurer la sécurité publique lui a suffi pour y réussir dès à présent. Sans doute, il n’affiche pas, comme l’Evangile, le dédain de la culture intellectuelle, du travail lucratif et de la prévoyance; mais il adapte ces idées à la situation actuelle en demandant l’ouverture de tous les emplois aux élèves de l’enseignement primaire, la réduction obligatoire du nombre et de la durée des jours de travail, enfin l’interdiction de toute épargne assurant un revenu à son auteur.

Comme le christianisme, encore, le socialisme admet une rénovation com­plète de l’homme par la foi nouvelle. Seulement, au lieu d’imposer immédiate­ment à ses disciples la pratique des vertus sans lesquelles il est bien obligé de reconnaître que la cité socialiste ne durerait pas un jour, il se contente d’annoncer que ces vertus se généraliseront sans effort et sans peine, une fois cette cité fondée; cet ajournement facilite évidemment la propagande, en supprimant tout ce qui a fait la beauté et la grandeur de la religion chrétienne. Enfin, des deux cités, on séduit ceux que lasserait la lenteur des progrès quotidiens par l’annonce d’une solution catastrophique: si les esprits sincères et lucides, tels que Georges Sorel, reconnaissent que la Grêve générale est un mythe, tout comme le Jugement dernier, ce mythe n’en agit pas moins puis­samment sur les imaginations populaires, et le triomphe du prolétariat dans sa colère ne donne pas lieu à des chants moins terrifiants que le Dies irae.

Il ne manque d’ailleurs pas, aujourd’hui, de gens qui avouent qu’un certain mysticisme ne messied pas aux réformateurs sociaux, et qui espèrent eux-mêmes trouver un moyen commode d’échapper aux discussions en invoquant des lumières spéciales venues, non plus d’en haut, mais on ne sait d’où. Citant, tantôt les travaux récents des psychologues sur la pensée subconsciente, tantôt les ouvrages dans lesquels les savants ont rectifié les idées excessives que quelques-uns d’entre eux, et surtout beaucoup, de littérateurs, se faisaient du sens et de la portée des lois expérimentales et des démonstrations mathémati­ques (c’est ce que les gens du monde appellent la faillite de la science), ils célèbrent la supériorité des pensées obscures sur les idées claires et de l’intuition sur le raisonnement. Quand ils ne savent que répondre à un argu­ment, ils rappellent qu’il y a autre chose que la raison; ils invoquent l’autorité des savants illustres, d’Henri Poincaré exposant comment les grandes décou­vertes sont dues, même en mathématiques pures, bien plus à l’imagination et à l’intuition qu’à l’application méthodique de tous les procédés de calcul connus. Ils oublient seulement un petit détail, que Poincaré se borne à rappeler sommairement, tant il est pour lui chose évidente: c’est que les propositions aperçues par une inspiration de l’homme de génie doivent être vérifiées, que le sentiment de certitude absolue qui accompagne cette inspiration peut le tromper et qu’il s’en aperçoit seulement quand il veut mettre la démonstration sur pied. Si l’exactitude des propositions aperçues par intuition n’est pas démontrée par le raisonnement, elles restent non avenues, comme, en physi­que, l’intuition qui aperçoit les principes d’une théorie nouvelle n’a de valeur que si l’expérience prouve la concordance de cette théorie avec les faits. Or, les socialistes mystiques ne nous apportent, à l’appui de leurs vues intuitives, ni démonstrations rigoureuses, ni expériences précises, ni quoi que ce soit qui en approche.

Clément Colson in Organisme économique et désordre social
(1918)

Les Très Egocentriques Citations et Aphorismes de l’Auteur

septembre 17, 2005

.Leur « morale » implique votre sacrifice: vous ne possédez plus qu’en vue de pourvoir leurs entreprises de spoliation, vous devez renoncer à vos valeurs mêmes si elles ne rencontrent pas celles de la pègre. Devient bon… quoi, au juste? Ce que les autres considèrent comme hautement moral. Selon quel critère? Les leurs, ceux de la canaille statolâtre, ceux des gardiens de stalags ou des esclaves volontaires adeptes de Moloch-Baal. Pourquoi? Car vous avez l’outrecuidance de « vivre en société », que vous « profitez du système ». Et inutile alors de geindre que vous payez déjà les biens de consommation ou les services pour en profiter, cela ne revêt aucune importance à leurs yeux: ils vous signifieront que vous ne déboursez pas suffisamment pour expier ( oui, ceux-la même qui dénoncaient les prix excessifs en régime capitaliste) et que pour finir, vous devez vous soumettre à leur volonté. Votre servitude est leur fin.

.Ainsi, car le droit de posséder et porter les armes, loin de rendre les truands plus puissants, relève du droit d’auto-défense, garant efficace de l’ensemble de nos libertés face aux atteintes faites à notre personne ou à notre propriété et ce, que les malfrats soient d’essence individuelle ou institutionnelle, en dépourvoir quiconque s’avère la pire des incitations au crime à son encontre, un risque effroyable que l’on fait courir au nom d’une sacro-sainte et soi-disant « sécurité publique » sans aucune légitimité réelle.

. Le pouvoir au peuple, hurlez-vous? Le pouvoir à personne. Votre peuple n’est qu’un amas de veaux prêts à égorger le moindre Zarathoustra qui osera se dresser contre leur médiocrité et le socialisme rampant. Rien de plus vulgaire que cette masse et
ses idoles monstrueuses, les Moloch-Baal à qui l’on sacrifie les libre-penseurs

.Nous, les insoumis, ne sommes nullement opposés au sexe entre individus consentants mais nous refusons de nous faire sodomiser par des fonctionnaires à la verge ensanglantée, quand bien même certains y trouveraient un certain plaisir.

Le libéralisme se veut une déontologie, une éthique nécéssaire à l’Homme de la même manière que pour un tableau de maître, il est indispensable de disposer d’un cadre et d’une vitre afin que l’oeuvre ne s’abîme pas et continue à briller.

.Gardez-vous bien d’imaginer que le socialisme vous permettra d’obtenir un toit, il n’offrit jamais que quatre murs, sans même une porte pour s’enfuir.

.Si l’on vous explique que le libéralisme voit l’Homme comme une marchandise, rétorquez qu’il s’agit là de l’évidence même et qu’il n’ya nul besoin d’être libéral pour en arriver à cette conclusion. Qu’est-ce qu’une marchandise sinon une proprieté potentiellement soumise au commerce? Rien. Or, le corps de chaque individu lui appartient en propre – par nature, en quelques sorte-. De là découle la liberté de chacun de faire ce qu’il souhaite de son corps: pratiquer un sport, se nourrir, se droguer, se suicider, se louer, se vendre… Alors, oui, à rebours de ce qu’affirme la bien-pensance, l’Homme est bien une marchandise.

.Le révolutionnaire veut changer la donne, le contre-révolutionnaire, le jeu, dixit Nicolàs Gomez Dàvila. Ce à quoi l’on pourrait rajouter que le libéral refuse le principe même d’un jeu abject dont il n’a jamais accepté les règles et où l’on peut perdre et la liberté, et la vie.

.Le progressisme, gangrénant à l’instar des « sciences sociales » la psychologie, vous a appris à considérer toute velléité hors du « bienpensant ultrasocial » grégaire telle une pathologie, voire telle l’étendard du ralliement au « réactionnariat » capitaliste, l’anté-progressisme par définition, celui qui préexistait et qui subsiste, tant bien que mal, pour le détruire.

.Si l’on peut considérer que le « peuple » existe, il serait fallacieux d’imaginer même que ce peuple possède une volonté propre, car constitué de plusieurs individus, sans homogénéité ou égalité parfaite, si l’on excepte les sociétés totalitaires poussées au paroxysme ou les utopies.

.Bâtir une philosophie imbitable de la coercition générale en la présentant comme « populaire »-un terme censé conférer une légitimité fantasmée à ladite coercition-, tel est le rôle revendiqué par les élites intellectuelles de ce pays, dont le renouveau laisse à désirer.

.Combien de fois ai-je entendu, lu, que si le communisme avait connu cet échec cuisant, qu’on ne pouvait l’appliquer, c’est qu’il suppose l’Homme bon! En réalité, rien n’est plus faux: la doctrine marxiste considère l’individu comme une bête, un vulgaire automate, quantité corvéable autant que maléable à mercie. Or, l’esprit de liberté intrasèque à l’être humain conduit celui-ci à la révolte, à l’insurrection contre le pouvoir autoritaire. De là découle l’impossibilité pratique d’un communisme durable.

.La grande fiction de notre temps consiste à croire que le commerce, l’échange et le respect de la proprieté d’autrui constituent des facteurs deshumanisant alors même qu’ils sont spécifiquement humains et inconnus des autres formes de vie. En revanche, l’animal ne connait que la violence, les violations de ses libertés, le vol, toutes choses que l’on retrouve essentiellement pratiqués par les Etats, et autres criminels anti-libéraux. Imagine-t-on un chien jouer en bourse? Un veau entrepreneur? Des fourmis individualistes? Qui d’autre qu’un homme échange sans violence et librement, simplement guidé par la raison??

.Me sacrifier? Plutôt crever!

.Or, qu’est-ce que le libéralisme ? Je l’ai écrit plus haut, il s’agit d’une philosophie du Droit et de la Liberté prônant la primauté de l’individu et de ses droits. Je résumerai les grands principes en quelques notions : la liberté, la propriété privée, la responsabilité, l’isonomie (l’égalité en Droit), le principe de non-agression (prendre «agression» au sens large), en bref un héritage de la pensée humaniste.

.Le communisme promet des lendemains qui chantent, oui, mais bien davantage des requiems que l’Ode à la Joie.

.Lorsque l’une de ces exécrables loques, vermine bolchevik ou canaille anarchiste, arborant fièrement un maillot Che Guevara vous crache au visage qu’il « n’est pas si favorable que cela à la violence gratuite », entendez par là non la voix du pacifisme mais de la violence payante: vous subissez et vous devez fournir à votre maître de quoi vous asservir.

.Comprenons-nous: les libéraux ne pourront jamais remporter quelque bataille politique que ce soit pour une raison évidente: le libéralisme est une philosophie anti-politique. Un libéral ne peut accepter aucun poste, aucune magistrature, aucun cabinet, aucun siège sans se compromettre ni se renier. Et accessoirement diviser, rabaisser la communauté libérale aux yeux de l’opinion publique.

.Dans « grève », il y’a rêve. Et dans « crève, salope rouge », aussi.

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